Un anniversaire ensemble

 

Quoi de plus naturel en cette réunion fêtive d'anniversaires collectifs

Que de penser au temps qui passe et qui va sans jamais se retourner

Au grand sablier cruel, où jamais le moindre grain ne retourne en arrière

Comment ne pas citer Lamartine et son merveilleux poème "Le lac" qui disait :

Ô temps, suspends ton vol! et vous, heures propices, Laissez-nous savourer les

rapides délices, des plus beaux de nos jours! Eh oui! Le temps s'échappe et fuit

L'homme n'a point de port! Le temps n'a point de rive; il coule et nous passons

 

En quelque sorte chaque an nous voyons notre vie défiler au rythme des bougies

Qui Lumineuses trônent sur le gâteau qui nous semble plus petit chaque année

En ce qui me concerne plus je vieillis et plus je repense à ma prime jeunesse

Les souvenirs lointains prenant le pas sur les plus récents, le pré-gatisme sans doute

Les souvenirs que je veux garder sont simples comme l'enfance insouciante

Les autres, les plus laids, ceux-là ne sont pas des souvenirs, mais des cicatrices

Je ne pense pas à eux des jours comme aujourd'hui, surtout je les garde pour moi seul

Aussi je vais partager avec vous des souvenirs, qui j'en suis sûr sont aussi les votres

Ceux qui dorment dans un coin de votre mémoire et que vous ne vous racontez

qu'à vous mêmes, votre pudeur vous empêchant de les partager avec vos proches

Tellement ils sont simples pour ne pas dire puériles, pourtant la vérité aussi est simple

Fermez les yeux et laissez vous porter par vos souvenirs d'enfant, voici les miens :

 

Dans la cour à la récrée, c'était les grands tournois de chevaliers

Avec pour toute masse d'arme, rien qu'un simple cache-nez

Qu'au dessus de nos têtes rêveuses nous faisions tournoyer

Et à qui on avait fait des nœuds et puis dans l'eau trempé

Pour que cela fasse plus mal si quelqu'un le prenait sur le nez

Je m'élançais alors imitant le hénissement d'un fier destrier

Contre tous les "Prince noir", j'étais toujours le Sire Ivanhoé

Cela finissait par des pleurs et le maître qui nous punissait

Ou on matait les filles à travers les haies dans la cour d'à côté

Qui jouaient à la corde à sauter et riaient puisqu'elles le savaient

Elles nous envoyaient des mots doux, des rendez-vous secrets

Où tu devenais leur esclave tout juste pour avoir droit un petit baiser

En revenant de l'école, tout le long des caniveaux qui pleuraient

On jouait aux billes : agates, duquesnoises et mappes usées

A la tiquette, œil de bœuf, mais pas le temps d'au triangle jouer

Ou on faisait un foot avec une boîte de conserve qui traînait

Et on usait nos godasses comme pour se faire rouspéter exprès

Puis jeudi enfin arrivait où d'autres aventures nous attendaient

Où on finissait tout sâle, tout crotté et nos shorts arrachés

Avec du mercurochrome sur nos pauvres genoux griffés

 

Puis venait les vacances et avec la guerre des tranchées

Où on se frictionnait avec les mômes des quartiers d'à côté

Avec lance-pierres et frondes les cailloux apprenaient à voler 

Comme pour nous entraîner pour un lointain mois de mai

J'avais un fusil à plomb puis un pistolet et je savais viser

De toute manière c'était une guerre ou jamais on mourrait

Il suffisait de dire "délivrance" et aussitôt tu ressuscitais

Plus tard, j'ai vu tomber des copains, mais jamais se relever

On fabriquait des arcs et des flêches, des pièges on posait

On était trappeurs, commandos, ou des indiens révoltés

On faisait nos camps de guerre dans des champs abandonnés

Dans les maisons qu'y allaient être rasées nous on y piratait

Des portes, des madriers, et les adultes avec, nous voyaient passer

Parfois ils venaient regarder comment Fort Alamo se montait

Certains bien des années plus tard nous ont même racontés

Que par nos constructions ils avaient été vraiment bluffés

Puis quand c'était fini et qu'on commençait à s'ennuyer

On déclarait la guerre à d'autres, on se donnait rendez-vous sur le pré

Où on finissait tout sale, tout crotté et nos shorts arrachés

Avec du mercurochrome sur nos pauvres genoux griffés

 

Il y avait aussi les tournois de foot jusqu'à la nuit tombée

Les parents qui venaient nous chercher, purée qu'est-ce qui criaient!

Qu'on les gonflait, qu'il y a une heure décente pour rentrer

Le lendemain rebelote plus fort que nous on recommencait

On tirait les équipes et pour les choisir on faisait les pieds

Ou alors on trouait pour savoir qui de nous l'andouille était

On prenait d'abord les meilleurs et puis ceux qui restaient

Dans les buts ceux avec les pieds carrés, là Dédé s'y collait

Un gag à lui tout seul, rien que pour le faire râler on perdait

C'était toujours à cause de la défense, si un but il prenait

Alors le théâtre commençait ses grands bras inutiles il les écartait

En signe d'impuissance, puis jetait ses gants et nous insultait

Ou alors ça finissait en pugilat à cause des buts marqués

Pas d'accord sur le score, mais juste à quelques points près

Quarante-huit à quarante-cinq! Non c'est même pas vrai!

Quarante-six tricheurs! Avec vous on se fait toujours rouler!

On se séparait furax en courant et se faisant des croche-pieds

Mais dès le lendemain matin tôt, le match bien sûr reprenait

Où on finissait tout sale, tout crotté et nos shorts arrachés

Avec du mercurochrome sur nos pauvres genoux griffés

 

On avait aussi fait un radeau pour sur les canaux naviguer

Avec des tonneaux en dessous pour pouvoir sur l'eau flotter

Il y avait même une cabane avec notre drapeau dessus accroché

Il y avait un mât avec une voile faite dans un drap chapardé

Qu'y n'a jamais pris le vent ou alors une misère, ah! quelle pitié

Ca pendait comme une loque alors il ne restait plus qu'à ramer

Mais notre gouvernail lui était au top, aisé à manœuvrer

C'était l'expédition du Kon-Tiki sur des océans déchaînés

Ou on étaient des explorateurs sur des rivières inexplorées

Il fallait scruter sur les rives où les sauvages nous épiaient

Pour le retour trop fatigués pour ramer on se faisait remorquer

Par des péniches qui avaient du cœur, les mariniers rigolaient

Puis on arrivaient à l'écluse, gentiment alors ils nous détachaient

Mais le père Morand, aujourd'hui au paradis des éclusiers

Nous faisait passer, rien que pour nous l'éclusier travaillait

Moi, toujours de l'écluse du père Morand je me souviendrai

Aujourd'hui les mômes peuvent seulement en rêve essayer

De vivre leur vie de gosse, de connaître comme nous la liberté

Où on finissait tout sale, tout crotté et nos shorts arrachés

Avec du mercurochrome sur nos pauvres genoux griffés

 

Quand viendra l'heure de tirer ma révérence quand je mourirai

Je voudrais bien retrouver mes copains d'enfance, ça oui j'aimerais

De nouveau être libre et penser que la vie n'est qu'une longue récrée

Où tu ne penses rien qu'à t'amuser, comme à l'époque adorée

Où on finissait tout sale, tout crotté et nos shorts arrachés

Avec du mercurochrome sur nos pauvres genoux griffés

 

Voilà vous vous êtes peut-être reconnu ou alors à peu près

Vous pouvez rouvrir les yeux et revenir sur terre puis il y a les bougies à souffler

Et puis il faut terminer le poème de Lamartine qui dit "Que tout dise : ils ont aimés!"

 

 

 

    Poème destiné aux Participants des anniv du 19 septembre 2010   -

Auteur Michel VANDEN BROECK

 

Merci Michel !

 

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